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Sandy CAMLANN[1]

Les origines du conflit colombien actuel [2]

Comptant parmi les conflits les plus anciens au monde, le conflit colombien prend racine dans la période dite de la Violencia, affrontement sanglant entre libéraux et conservateurs faisant suite à l’assassinat en 1948 du libéral Jorge Eliécer Gaitán[3]. À la fin des années 1950, les deux grands partis politiques négocient un accord par lequel ils s’entendent pour alterner à la présidence de l’État et répartir entre eux les ministères de façon égalitaire. Cette période de coalition sera connue comme celle du Frente Nacional ou Front National (1958-1974). Or, cet accord, qui n’est autre que le reflet du bipartisme dominant en Colombie, n’inclut pas les mouvements qui ne se reconnaissent ni dans la politique menée par les conservateurs, ni dans celle conduite par les libéraux[4]. Les populations rurales vivant de l’agriculture, qui ont d’ailleurs particulièrement souffert pendant la période de la Violencia et qui se sont constituées en groupes d’autodéfense, ont le sentiment que leurs revendications ne sont pas entendues[5].

La naissance des Forces armées révolutionnaires de Colombie et autres protagonistes

La création des guérillas[6] encore actives aujourd’hui, continuatrices de ces groupes d’autodéfense, remonte aux années 1960. Il s’agit principalement de l’Ejército de Liberación Nacional ou Armée de Libération Nationale (ELN) et des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia ou Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC)[7]. L’ELN, constituée en 1964, s’inspire grandement des idées de la révolution cubaine. La guérilla des FARC a pour sa part formellement vu le jour en 1966. Il s’agit d’un mouvement avant tout d’origine paysanne imprégné par l’idéologie communiste. Ce groupe a pour buts affichés de combattre les inégalités et l’injustice, de mettre fin à ce qu’ils jugent être l’exploitation du peuple par les propriétaires terriens et d’assurer une meilleure répartition des terres [8].

Dans le contexte de la Guerre Froide, les guérillas reçoivent le soutien financier et militaire de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Les États-Unis ont pour leur part soutenu et soutiennent encore aujourd’hui le gouvernement colombien. Ainsi, bien que l’on parle de conflit armé interne, il ne faut pas négliger le fait que certaines puissances internationales aient pu être impliquées à un moment donné.

Ces soutiens étrangers, de même que la « faiblesse historique [] de l’Etat à exercer ses prérogatives régaliennes »[9], permettent aux guérillas de se renforcer et d’accroître leur puissance. Le contrôle du gouvernement colombien sur le pays n’a en effet jamais été total. La géographie de cet État n’y est certainement pas pour rien, celui-ci étant traversé par plusieurs chaines de montagnes dans lesquelles les guérillas peuvent aisément trouver refuge et se dissimuler[10].

Partant, face à la menace que représentent les guérillas à l’époque, le gouvernement déclare en 1965 un « état d’urgence » et adopte des décrets qui permettent au gouvernement d’armer les civils[11]. C’est ainsi que sont légitimés ceux que l’on appelle « groupes ou organisations paramilitaires »[12]. Ces milices privées, composées de riches propriétaires terriens bien décidés à se protéger contre les exactions des guérillas, ne cesseront de se développer, tout en commettant à leur tour des infractions pénales. Afin de contrer ce phénomène, est adopté à la fin des années 1980 le décret 1194 qui interdit aux civils ou membres de l’armée de créer, d’aider ou de participer à des groupes d’ « autodéfense »[13]. Malgré cet arsenal juridique et le fait que la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) ait par la suite condamné l’État colombien[14] pour son assistance apportée, dans certains massacres, aux groupes paramilitaires, l’activité de ceux-ci n’a pas cessé, de même que la collaboration de certains membres de l’armée régulière avec eux[15]. En 1997, la plupart des groupes paramilitaires se regroupent au sein de l’organisation Autodefensas Unidas de Colombia ou Autodéfenses Unies de Colombie (AUC).

De par le nombre important de protagonistes impliqués, qu’il s’agisse d’agents étatiques ou privés, le conflit colombien apparaît donc être un conflit particulièrement complexe. Il l’est d’autant plus qu’il est parfois mal compris, notamment en raison du rôle central que joue la Colombie dans le trafic de drogue. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le trafic de drogue n’est pas l’un des facteurs initialement à l’origine du conflit. Toutefois, il est vrai que le développement de celui-ci dans les années 1980 a permis à toutes les forces en présence de se financer et de continuer à mener leurs actions respectives[16]. Il constitue aujourd’hui un véritable enjeu pour les mouvements impliqués[17].

Le bilan humain du conflit

Le conflit colombien est marqué par des violations systématiques et généralisées des droits de l’homme. Le Centre national de la mémoire historique colombien estime à 218 094 le nombre d’individus tués dans le cadre du conflit entre les années 1950 et 2012, 81% d’entre eux étant des civils[18]. Ces chiffres démontrent que la population civile est véritablement la première victime du conflit. De 1970 à 2010, le Centre national de la mémoire historique évalue par exemple à plus de 27 000 le nombre d’individus victimes de kidnappings[19].

Toutefois, les guérillas sont loin d’être les seules responsables de ces exactions. Les groupes paramilitaires, de même que les forces armées colombiennes, ont aussi leur part de responsabilité. En ce sens, lors du massacre de Mapiripán[20] perpétré en juillet 1997, des paramilitaires ont torturé et tué au moins 49 personnes soupçonnées de sympathiser avec les FARC. Alors même que cette zone était contrôlée par l’armée, celle-ci n’est pas intervenue[21].

Les négociations antérieures à 2012 : Une succession d’échecs

On recense plusieurs tentatives de paix depuis les années 1980. Néanmoins, toutes apparaissent s’être soldées par des échecs, concernant les FARC tout du moins. C’est sous la présidence du conservateur Belisario Betancur que sont entamées les premières négociations formelles entre les FARC et le gouvernement colombien. Un cessez-le-feu, décrété en mai 1984, s’étendra jusqu’en juin 1987. Durant cette période, les FARC tentent d’intégrer l’échiquier politique en mettant sur pied leur propre parti, l’Union Patriotica ou Union Patriotique (UP). Lors des élections de 1986, ils gagnent plusieurs sièges au Congrès mais sont par la suite la cible de nombreux assassinats, orchestrés pour la plupart par les groupes paramilitaires, en collaboration avec les cartels de la drogue et les forces armées colombiennes. En conséquence, les FARC se retirent de la scène politique et se concentrent sur la bataille militaire[22].

Le dernier cycle de négociations a lieu sous la présidence du conservateur Andrés Pastrana, entre 1998 et 2002. À cette période, les FARC profitent du cessez-le-feu et de la zone démilitarisée qui leur était accordée pour se réarmer et recruter[23]. En 2002, Pastrana interrompt donc les négociations et ordonne aux forces armées de reprendre le contrôle de cette zone démilitarisée[24].

Uribe ou la politique du « deux-poids deux-mesures »

Après l’échec des négociations menées en 2002, la population se déclare favorable à une approche différente, plus intransigeante vis-à-vis des guérillas. Álvaro Uribe Vélez, ancien libéral, incarne cette approche. Élu président en 2002 et reconduit pour un second mandat jusqu’en 2010, il met en œuvre une politique dite de « sécurité démocratique ». En d’autres termes, le choix sécuritaire contribuerait, d’après lui, au renforcement de la démocratie[25]. Il s’agit en fait d’imposer la paix par la force, par l’action militaire. La négociation ne semble plus faire partie des options envisagées, les guérillas étant désormais considérées comme des groupes terroristes. C’est une solution critiquée car les premières victimes de cette politique sont encore une fois les civils, en témoigne l’explosion de la pratique des « faux-positifs » sous Uribe. Ce procédé, dénoncé par la FIDH[26], consisterait pour les membres de l’armée régulière à assassiner des civils qu’ils feraient ensuite passer pour des rebelles[27].

Pour mener à bien la politique de « sécurité démocratique », l’armée est profondément réformée. Uribe reprend les travaux de son prédécesseur en ce sens[28] : renforcement des effectifs et des capacités militaires. C’est notamment grâce à l’aide des États-Unis, apportée dans le cadre du Plan Colombie, que l’État est en mesure de procéder à de tels changements[29].

L’année 2008 est particulièrement difficile pour les FARC. Premièrement, deux hauts dignitaires sont assassinés[30] et Manuel Marulanda – fondateur et dirigeant du groupe, aussi dit « Tirofijo » – décède des suites d’une crise cardiaque[31]. Deuxièmement, sont secourus quinze otages détenus depuis 2003, parmi lesquels on compte la candidate franco-colombienne à l’élection présidentielle de 2002 : Ingrid Betancourt[32].

Sous Uribe, bien que les guérillas n’aient pas été éradiquées, leurs effectifs et leur présence sur le territoire ont été considérablement réduits. On constate donc une évolution des rapports de force en faveur du gouvernement colombien et au désavantage des groupes de guérillas. Si la négociation avec ces derniers a été écartée, Uribe s’est en revanche montré plus souple vis-à-vis des paramilitaires. Le gouvernement signe avec les paramilitaires un accord en juillet 2003, et en 2005 est adoptée la Ley de Justicia y Paz ou loi Justice et paix. L’essence de cette loi, très controversée, réside dans le prononcé de peines ne pouvant excéder huit ans de prison, y compris pour les crimes les plus graves. En échange, les paramilitaires sont tenus d’avouer leurs crimes, de s’engager dans un processus de réparation en faveur des victimes et de fournir des garanties de non-répétition. La Cour constitutionnelle colombienne, en validant cette loi[33], a précisé que le défendeur se devait de révéler la totalité de ses crimes. Dans le cas où celui-ci ne serait pas totalement honnête et que l’on viendrait par la suite à découvrir sa participation à d’autres crimes, il perdrait le bénéfice d’une peine réduite et se verrait appliquer la peine usuellement prescrite par la loi[34]. Cette loi crée également une Comisión Nacional de Reparación y Reconciliación ou Commission nationale de réparation et réconciliation (CNRR) qui rappelle les commissions de vérité et de réconciliation inspirées par le modèle sud-africain, mais qui s’en distingue par bien des aspects[35]. Cependant, la place accordée aux victimes par cette loi étant assez réduite, un texte plus protecteur des droits des victimes a été ensuite adopté en juin 2011[36].

Santos et la reprise du dialogue avec les FARC

Ministre de la défense au sein du gouvernement Uribe, Juan Manuel Santos Calderón avait laissé entendre, pendant sa campagne électorale, qu’il se placerait dans la continuité de la politique menée par son prédécesseur. Finalement, son mandat marque le renouveau de la coopération avec les FARC. Au mois d’août 2012, il a en effet annoncé que des pourparlers secrets se tenaient depuis plusieurs mois entre son gouvernement et le groupe armé à Cuba. Les présentes négociations de paix ont officiellement débuté en octobre 2012 à Oslo pour se poursuivre à La Havane ; la Norvège et Cuba étant les « garants » de ces négociations. Malgré quelques rebondissements intervenus depuis l’entrée en négociations, le processus est à ce jour toujours en cours[37].

L’agenda des négociations

Les négociations suivent un agenda constitué de six points[38] : le développement rural et la réforme agraire, la participation politique des FARC suivant leur démobilisation, la fin du conflit, la solution au problème de la drogue, les victimes, et la mise en œuvre de l’accord. Entre 2013 et 2014, les deux parties aux négociations sont parvenues à trouver un accord en matière de réforme rurale, concernant la participation politique et enfin sur la lutte contre le trafic de drogue. Cependant, il ne s’agit que d’accords intermédiaires puisque le principe directeur des négociations est que rien n’est convenu tant que tout n’est pas convenu (”nothing is agreed until everything is agreed”[39]). Il faut donc attendre qu’un accord global puisse être conclu. S’agissant du point ayant trait aux victimes, les parties se sont entendues au début du mois de juin 2015 sur la création d’une commission de vérité, dispositif extrajudiciaire qui ne pourra ni prononcer de peines, ni, en principe, partager les confessions recueillies avec les instances judiciaires[40]. Plus récemment, au début du mois d’octobre 2015, les représentants des FARC et du gouvernement colombien ont décidé de lancer un processus de recherche des personnes disparues.

Si les parties ont réussi à s’accorder sur ces différentes thématiques, le point d’orgue des négociations demeure la question de la justice, de la réponse à apporter aux violations massives et systématiques des droits humains en Colombie.

La justice transitionnelle en Colombie : À quel prix ?

En vue de satisfaire les exigences des deux parties aux négociations et de parvenir enfin à la paix, l’État colombien et les FARC ont opté pour la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle. Telle que définie par Kofi Annan, ancien Secrétaire général des Nations Unies, la justice transitionnelle englobe :

«  […] l’éventail complet des divers processus et mécanismes mis en œuvre par une société́ pour tenter de faire face à des exactions massives commises dans le passé, en vue d’établir les responsabilités, de rendre la justice et de permettre la réconciliation. Peuvent figurer au nombre de ces processus des mécanismes tant judiciaires que non judiciaires, avec (le cas échéant) une intervention plus ou moins importante de la communauté́ internationale, et des poursuites engagées contre des individus, des indemnisations, des enquêtes visant à établir la vérité́, une réforme des institutions, des contrôles et des révocations, ou une combinaison de ces mesures »[41].

Les mécanismes mis en œuvre dans le cadre du processus de négociations engagé avec les FARC répondent-ils à cette définition ? Ces mécanismes sont-ils calqués sur ceux mis en place pour les paramilitaires et leurs victimes ? Le dispositif mis en place dans le cadre de la démobilisation des paramilitaires a été très critiqué car regardé comme fournissant de facto une amnistie et ne garantissant pas les droits des victimes[42]. Comme le souligne Amnesty International, l’accord conclu avec les FARC ne doit pas aboutir au même résultat que celui engagé avec les paramilitaires, très peu de ces derniers ayant in fine fait l’objet de poursuites[43]. Toutefois, il n’est pas toujours simple de trouver la solution adéquate. Dans le cadre de la loi Justice et paix, si le Congrès avait imposé des peines beaucoup plus sévères, les paramilitaires n’auraient guère été incités à se démobiliser. Le même dilemme se pose s’agissant des FARC. Par conséquent, dans quelle mesure la justice peut-elle et doit-elle être sacrifiée au nom de la paix ? Trouver le juste équilibre n’est pas chose aisée. D’une part, justice doit être rendue aux victimes. D’autre part, les membres des guérillas doivent être autorisés, à un moment donné, à réintégrer la vie civile. L’enjeu est donc de parvenir à un équilibre qui soit respectueux des normes internationales et plus particulièrement des engagements de la Colombie. Sont ici visées les obligations découlant de la ratification du Statut de Rome, la Cour pénale internationale (CPI) pouvant décider d’intervenir en cas de non respect de celles-ci en vertu de l’article 17 dudit statut relatif à la recevabilité.

Se pose sur ce point la question des amnisties. C’est une des facettes du débat qui oppose la paix et la justice[44]. La Colombie peut-elle arguer du rétablissement de la paix pour accorder des amnisties ? Les amnisties ont longtemps été pratique courante en Amérique Latine. La doctrine est divisée s’agissant de leur admissibilité. Tandis que certains auteurs soutiennent que la tendance est au rejet explicite des lois d’amnistie, d’autres estiment que l’incompatibilité des lois d’amnistie avec le droit international coutumier n’est pas établie[45].

On note que les amnisties ne sont pas expressément prohibées par le Statut de Rome et que la Cour ne s’est pas encore prononcée sur la question. Pour autant, si l’on s’en remet à l’objectif premier du Statut de Rome, à savoir, lutter contre l’impunité[46], et à l’obligation faite aux États parties de « soumettre à [leur] juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux », on peut vraisemblablement en déduire que les amnisties ne sont pas admissibles pour ce type de crimes. D’autres traités ratifiés par la Colombie confirment cette interprétation puisqu’ils mettent à la charge de l’Etat l’obligation de poursuivre et de juger les crimes internationaux les plus graves[47].

L’article 6(5) du protocole II additionnel aux Conventions de Genève et relatif aux conflits armés non internationaux dispose : « [à] la cessation des hostilités, les autorités au pouvoir s’efforceront d’accorder la plus large amnistie possible aux personnes qui auront pris part au conflit armé ou qui auront été privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé, qu’elles soient internées ou détenues ». Selon le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), il ne s’agit pas d’une norme absolue : crimes de guerre et crimes contre l’humanité ne peuvent faire l’objet d’une amnistie[48]. Cette analyse a d’ailleurs été reprise par la CIDH dans l’affaire Massacres of El Mozote c. Salvador[49].

La jurisprudence de la Cour régionale est du reste assez éclairante s’agissant de l’admissibilité des amnisties[50]. On peut, à cet égard, se référer à l’affaire Barrios Altos c. Pérou dans le cadre de laquelle la Cour a déclaré inadmissibles les amnisties dès lors que sont concernées les violations graves des droits de l’homme[51]. En outre, l’interdiction n’est pas limitée aux autoamnisties[52]. Ainsi, l’amnistie peut-être prohibée quand bien-même elle aurait vocation à s’appliquer à tous les protagonistes du conflit.

Cette analyse nous pousse à affirmer que le droit international, conventionnel et coutumier, prohibe le recours aux lois d’amnisties pour les crimes internationaux les plus graves. Dès lors, la Colombie se doit d’enquêter, de poursuivre et de juger ces crimes. Est-ce le cas dans le cadre du processus engagé avec les FARC ? L’équilibre susmentionné est-il atteint ? Il convient d’abord de s’intéresser au « cadre juridique pour la paix » pour ensuite se pencher sur l’accord annoncé le 23 septembre dernier.

Le cadre juridique pour la paix

En vue des négociations avec les FARC, le gouvernement a amendé la Constitution nationale. Ce « cadre juridique pour la paix » a été déclaré conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle colombienne[53]. Il met plusieurs prérogatives à disposition du Congrès pour autant que les membres des guérillas consentent à se démobiliser et à reconnaître leur responsabilité. Le pouvoir législatif peut ainsi créer des mécanismes judiciaires et extra-judiciaires (par exemple une commission de vérité) en vue de la poursuite des crimes, la clarification de la vérité, et l’indemnisation des victimes. Les amendements envisagent aussi la possibilité de concentrer les poursuites sur les individus qui portent la plus grande responsabilité. Enfin, il faudra déterminer quels crimes peuvent être considérés comme des infractions politiques, de façon à ce que leurs auteurs puissent par la suite participer à la vie politique. Pourront aussi être prononcées des peines alternatives à l’emprisonnement ou considérablement réduites. Par ailleurs, la suspension des poursuites judiciaires en cours est envisageable en vertu de ce cadre juridique pour la paix.

S’agissant de la possible suspension des procédures, tant Fatou Bensouda, Procureure de la CPI, que divers acteurs internationaux, ont exprimé leur scepticisme vis-à-vis du cadre juridique pour la paix[54]. Par une telle « distorsion » de la justice transitionnelle permettant aux criminels de guerre de bénéficier indirectement d’une amnistie[55], l’équilibre entre paix et justice ne paraît pas être présent dans ce cadre juridique[56].

L’accord du 23 septembre 2015 : La fin du conflit ?

Le 23 septembre dernier, les parties aux négociations ont annoncé qu’elles s’étaient finalement entendues sur des points qui jusqu’ici les divisaient[57]. Parmi les dispositions phares de l’accord, on retrouve la création d’une juridiction hybride. En effet, il a été proposé la création d’un tribunal spécial pour la paix composé en majorité de magistrats colombiens, et d’une minorité d’étrangers. Celui-ci aura compétence pour juger les individus les « plus responsables », qu’il s’agisse des FARC ou des agents étatiques. Sur ce point, Amnesty International émet une réserve : se concentrer sur les « plus responsables » pourrait signifier l’impunité pour de nombreux auteurs de violations des droits de l’homme étant donné que l’expression demeure à ce jour encore assez floue en droit international pénal. S’agira-t-il de l’appréhender en termes de hiérarchie et de ne conséquemment s’intéresser qu’aux hauts dirigeants, aussi bien politiques que militaires ? Ou, s’agira-t-il d’adopter une approche plus large en se référant aussi à la gravité et au nombre de crimes commis par les individus, indépendamment de leur statut dans la hiérarchie ? La seconde approche apparaît préférable.

Les crimes politiques et assimilés bénéficieront d’une amnistie. Cette formulation est source d’inquiétude dans la mesure où l’on sait cette catégorie d’infractions manipulable[58]. Le Président Santos déclarait en décembre 2014 que les infractions relatives au trafic de drogue étaient susceptibles d’entrer dans cette catégorie, un avis que partage d’ailleurs le président de la Cour suprême colombienne José Leonidas Bustos. Dans un contexte où de nombreux membres des FARC risquent des poursuites aux États-Unis pour trafic de drogue, cette qualification d’infraction politique, susceptible de les faire bénéficier d’une amnistie devant le tribunal pour la paix, leur permettrait par la même d’éviter l’extradition. En effet, la catégorie des infractions dites politiques bénéficie d’un régime particulier puisque s’est développée une exception à l’extradition pour lesdits crimes. Cette exception a été intégrée dans la plupart des traités d’extradition et lois nationales, en témoigne l’article 4 du traité d’extradition conclu entre les Etats-Unis et la Colombie en 1979 : ”Extradition shall not be granted when the offense for which extradition is requested is of a political character or is connected with an offense of a political character […]. Toutefois, tous les crimes dont il est question ici ne peuvent entrer dans cette catégorie et ainsi constituer une échappatoire à l’extradition pour leurs auteurs (et/ou faire l’objet d’une amnistie). En effet, comme le rappelle de nombreux instruments internationaux, les infractions politiques n’englobent pas les crimes internationaux les plus graves[59]. L’accord du 23 septembre n’entend d’ailleurs pas faire cela. Ainsi, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre ou le génocide, ne pourront faire l’objet d’une amnistie[60].

S’agissant des peines, l’accord introduit une certaine gradation. Pour ceux qui admettront leurs crimes dès le départ, une peine restrictive de liberté et de droits, d’une durée de cinq à huit ans, sera prononcée. Il s’agira pour les condamnés de participer à des travaux et activités ayant pour but de satisfaire aux droits des victimes, et non d’être emprisonnés. L’accord ne précise pas la nature de ces travaux et activités. On pourrait imaginer, à l’image des mesures prononcées dans le cadre des travaux d’intérêt général par les tribunaux populaires Gacaca au Rwanda, que les responsables contribuent au relogement des personnes déplacées[61]. Ceux qui confesseraient leurs crimes tardivement se verraient, pour leur part, condamnés à une peine de cinq à huit ans d’emprisonnement. Enfin, ceux qui nieraient toute accusation portée à leur encontre et qui seraient in fine jugés coupables s’exposeront à une peine de vingt ans de prison. Dans les faits, on peut présumer que la majorité des individus décideront de coopérer (de plus ou moins bonne foi) afin d’éviter à tout prix la prison.

Le gouvernement et les FARC se laissent un délai de six mois pour signer l’accord final. Soixante jours après avoir entériné le compromis, les FARC commenceront à déposer les armes. Reste à savoir si l’accord final sera soumis à référendum.

Fatou Bensouda et l’actuel Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, ont accueilli favorablement la création d’un tribunal pour la paix, notant l’exclusion par l’accord d’une amnistie pour les crimes les plus graves, conformément aux obligations internationales de la Colombie. La Procureure a cependant précisé que son bureau continuerait d’examiner plus en détail les dispositions de l’accord. Si l’amnistie apparaît en théorie écartée pour les crimes internationaux les plus graves, l’absence de peine d’emprisonnement ferme pour les individus qui coopèrent et confessent leur crimes pourrait-elle revenir, dans les faits, à leur accorder une amnistie ? Bien que le Statut de Rome exige des États parties qu’ils punissent les violations des droits de l’homme, il n’impose pas pour autant que soient prononcées des peines d’emprisonnement par les juridictions nationales. Pour plusieurs commentateurs, les peines de substitution prévues par l’accord sont tout à fait acceptables et conformes au droit international[62]. Pour Douglas Cassel – juriste américain ayant contribué à la rédaction de l’accord annoncé le 23 septembre – dans un pays en paix, les crimes internationaux les plus graves doivent être punis d’une peine d’emprisonnement. Or, tel n’est pas le cas de la Colombie. Partant, les peines sur lesquelles FARC et gouvernement se sont mis d’accord apparaissent, d‘après lui, être un compromis satisfaisant. On ne peut toutefois s’empêcher de noter que la peine prévue à l’article 77 du Statut de Rome relevant de la compétence de la CPI est bel et bien une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trente ans, voire même la perpétuité.

Face à ce qui pourrait éventuellement apparaître comme un manquement aux obligations internationales de la Colombie, la CPI pourrait-elle se décider à intervenir ? La situation en Colombie fait en effet l’objet d’un examen préliminaire depuis juin 2004. La Colombie a ratifié le Statut de Rome le 5 août 2002 ce qui permet à la CPI d’exercer sa compétence à partir du 1er novembre 2002. Toutefois, en vertu de la déclaration faite par l’État conformément à l’article 124 du Statut, la Cour n’est compétente qu’à l’égard des crimes de guerre commis depuis le 1er novembre 2009. Ouvrir une enquête sur la situation en Colombie permettrait notamment à la CPI de réfuter la critique récurrente selon laquelle elle ne s’intéresserait qu’au continent africain.

En vertu de l’article 53 du Statut, pour déterminer si le Procureur peut ouvrir une enquête, il faut procéder à une analyse en trois temps. Il convient, dans un premier temps, de déterminer si des crimes relevant de la compétence de la CPI ont été commis. Ceci apparaît être le cas selon un rapport du bureau du Procureur de 2012[63]. Dans un deuxième temps, l’affaire doit être recevable conformément aux critères posés à l’article 17 du Statut. Sur ce point, il est nécessaire de garder à l’esprit que la recevabilité de la situation colombienne s’évalue au regard de l’attitude de l’État vis-à-vis de l’ensemble des protagonistes du conflit (guérillas, groupes paramilitaires et armée régulière). La Cour ne pourra ainsi intervenir que dans le cas où l’affaire est suffisamment grave et où la Colombie s’avèrerait incapable ou n’aurait pas la volonté de poursuivre et punir les auteurs des crimes.

Au vu des exactions recensées, la gravité de la situation en Colombie semble établie. Le critère de l’incapacité ne semble pas applicable au cas colombien[64]. Quant au manque de volonté, plusieurs options sont exposées. La Cour doit pouvoir constater que la procédure a été engagée ou que la décision de l’État a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale. La procédure peut aussi avoir subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice la personne concernée. Enfin, la Cour peut considérer que la procédure n’a pas été ou n’est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d’une manière qui, dans les circonstances, est incompatible avec l’intention de traduire en justice la personne concernée. Bien que le bureau du Procureur prenne acte des critiques portées à l’encontre des différents processus de démobilisation et du bilan parfois mitigé des procédures judiciaires engagées à l’encontre des différents acteurs du conflit, il n’a jamais été jusqu’à constater ce manque de volonté. Il est alors légitime de s’interroger sur la possibilité que la Cour décide de « sanctionner » le dernier processus en date.

Dans un dernier temps, la juridiction doit s’assurer, conformément à l’article 53 du statut de Rome, que l’ouverture d’une enquête ne desservirait pas les intérêts de la justice. Sur ce point, le gouvernement colombien pourrait soutenir que l’ouverture d’une enquête viendrait mettre en péril le processus de paix engagé avec les différents acteurs du conflit. Toutefois, le bureau du Procureur a affirmé à plusieurs reprises que les intérêts de la justice ne se confondaient pas avec les intérêts de la paix ; les questions relatives à la paix et la sécurité relevant de l’appréciation du Conseil de sécurité des Nations Unies conformément à l’article 16 du Statut[65]. Par conséquent, la position du bureau du Procureur sur ce point rend l’argumentation fondée sur la préservation de la paix inopérante.

L’après démobilisation : Une paix durable ?

Malgré la bonne volonté affichée par les deux parties aux négociations et sans nier les progrès considérables jusqu’ici atteints, quelques doutes peuvent être émis quant à l’effectivité du processus de démilitarisation à venir. Il est logique de se montrer d’autant plus sceptique que le premier processus de démobilisation, qui concernait les paramilitaires, ne peut être regardé comme une totale réussite. Et ce, dans la mesure où nombre de paramilitaires sont en réalité toujours actifs et que de nouvelles bandes criminelles, supposément composées de paramilitaires, qu’on appelle « BACRIM », ont émergé[66]. Il reste à espérer qu’une fois démobilisés, les ex-FARC se garderont de toute activité criminelle.

Il convient aussi de souligner que même si les accords de paix et les mécanismes de justice transitionnelle se multiplient, l’objectif d’une paix véritablement durable ne pourra être atteint qu’une fois que tous les mouvements auront déposé les armes. En cela, il convient de s’interroger sur un possible processus de paix avec l’autre grande guérilla colombienne, l’ELN. Quand les négociations de paix avec les FARC ont été annoncées, le dirigeant du groupe, Nicolas Rodriguez Bautista alias Gabino, a exprimé à plusieurs reprises son souhait d’y prendre part[67]. Le président Santos s’est pour sa part déclaré prêt à entamer des négociations mais dans le cadre d’un processus distinct de celui engagé avec les FARC. Juste avant l’élection présidentielle de 2014, le gouvernement a annoncé tenir des pourparlers secrets avec l’ELN. Ainsi, même si des négociations formelles n’ont pas à ce jour été engagées, cela ne saurait tarder[68]. Se profile à l’horizon un processus similaire à celui conduit avec les FARC[69].

Cet article ne lie que la ou les personne(s) l’ayant rédigé. Il ne peut entraîner la responsabilité des membres du bureau des Amis OJPI, de la directrice du Diplôme d’université OJPI, ni des personnes qui l’ont révisé et édité. Il ne s’agit pas d’avis ou de conseils juridiques.

[1] Sandy est diplômée du Diplôme d’université Organisations et Juridictions Pénales Internationales et du Master II Droits de l’Homme de l’Université Paris Ouest Nanterre la Défense. Après un stage auprès des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, elle est actuellement étudiante à l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris en vue d’obtenir un certificat de sciences criminologiques.

[2] Pour un aperçu des origines du conflit et de la naissance de ses différents protagonistes, voir la vidéo publiée par Colombia Reports intitulée History of the FARC, Colombia’s main rebel group.

[3] Leader du parti libéral à l’époque et candidat à l’élection présidentielle de 1950, Jorge Eliécer Gaitán était très populaire auprès des classes les plus défavorisées.

[4] GARIBAY (D.), « Le conflit armé interne en Colombie : échec des solutions négociées, succès apparent de la solution militaire, poursuite des violences », in SELLIN (C.) (dir.), Résistances, insurrections, guérillas, Les Géopolitiques de Brest, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 128.

[5] Ibid. ; BERNAL-PULIDO (C.), « Transitional justice within the framework of a permanent constitution : The case study of the legal framework for peace in Colombia », Cambridge Journal of International and Comparative Law, vol. 3, n° 4, 2014, p. 1143.

[6] VEUTHEY (M.), « Règles et Principes de Droit International Humanitaire Applicables dans la Guérilla », Revue Belge de Droit International, vol. 2, 1971, pp. 506-507 : auteurs et experts ne parviennent pas à s’accorder sur une définition « unique et universelle » de la guérilla (…) « la guérilla ne se laisse pas enserrer dans une définition unique et universelle, protéiforme, elle prend des aspects différents selon les continents, les pays, et même dans le temps au cours d’un même conflit; cette diversité se retrouve aussi au niveau des guérilleros ».

[7] Méritent également d’être mentionnés le M-19, guérilla fondée par des anciens membres des FARC, et l’Ejército Popular de Liberación ou Armée Populaire de Libération (EPL), guérilla d’inspiration marxiste. Le M-19 s’est démobilisé au début des années 1990. La majorité des membres de l’ELP se sont aussi démobilisés au début des années 1990 même si certains continuent toujours à ce jour la lutte armée.

[8] Beaucoup considèrent toutefois que les FARC ont perdu leur idéologie en cours de route, et que « l’objectif premier [du mouvement] ne serait donc plus idéologique mais économique » : AUDET (F.), « Le conflit colombien : de l’idéologie au narcotrafic », La Chronique des Amériques, n° 11, 2005, p. 6.

[9] GARIBAY (D.), op.cit. p.129.

[10] BURBIDGE (P.), « Justice and Peace ? – The Role of Law in Resolving Colombia’s Civil Conflict », International Criminal Law Review, vol. 8, n° 3, p. 559.

[11] Ibid., p. 560.

[12] Si ces décrets permettent de « formaliser » les groupes paramilitaires, ceux-ci avaient commencé à se former avant 1965. Colombia Reports, The FARC’s biggest fear: Colombia’s paramilitary groups, 10 juillet 2015: http://colombiareports.com/the-farcs-biggest-fear-colombias-paramilitary-groups/

[13]LEECH (G.), « History – Fifty Years of Violence », Colombia Journal, mai 1999:   http://colombiajournal.org/fiftyyearsofviolence

[14] Voir par exemple : Cour interaméricaine des droits de l’homme, Case of the 19 Merchants v. Colombia, Jugement du 5 juillet 2004 : http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_109_ing.pdf

[15] BURBIDGE (P.), op. cit. p. 561.

[16] BEITTEL (J.S.), « Peace talks in Colombia », Congressional Research Service, Rapport, Mars 2015, p. 2 ; VOELKEL (C.), Five Common Misunderstandings of War and Peace in Colombia, Crisis Group, octobre 2012 : http://blog.crisisgroup.org/latin-america/2012/10/08/five-common-misunderstandings-of-war-and-peace-in-colombia/

[17] A coté du trafic de drogue, les kidnappings sont aussi rapidement devenus une pratique courante, l’argent des rançons permettant là encore de se financer.

[18] Centre national de la mémoire historique colombien, Ca Suffit ! Colombie : Mémoires de guerre et de dignité, octobre 2013 : http://www.centrodememoriahistorica.gov.co/descargas/informes2013/bastaYa/bastaya-frances.pdf

[19] Ibid. Entre 1985 et 2012, on recense plus de 150 000 victimes d’assassinats ciblés, près de 12 000 victimes de massacres, plus de 1700 victimes de violences sexuelles, 25 000 disparitions forcées et près de 6 millions de déplacements forcés. La Colombie a également l’un des taux mondiaux les plus élevés s’agissant des victimes de mines antipersonnel.

[20] Cour interaméricaine des droits de l’homme, Affaire du Massacre de Mapiripán c. Colombie, jugement du 15 septembre 2005 : http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_134_ing.pdf Dans cette affaire, la Cour considère que les forces armées colombiennes ont facilité les exactions commises par les paramilitaires et que les enquêtes et poursuites engagées par la suite étaient insuffisantes.

[21] BURBIDGE (P.), op. cit. pp. 566-567.

[22] BEITTEL (J.S.), op. cit. p. 3.

[23] Ibid. p. 15.

[24] Ibid. p. 6. C’est d’ailleurs à cette époque, au début des années 2000, que les effectifs des FARC sont les plus importants, comptant entre 16 000 et 20 000 combattants.

[25] Crisis Group, Colombia: President Uribe’s Democratic Security Policy, Rapport, 13 novembre 2003: http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/latin-america/colombia/06_colombia__uribe_dem__security.pdf

[26] FIDH, Colombia : The war is measured in litres of blood, False positives, crimes against humanity : those most responsible enjoy impunity, Juin 2012 : https://www.fidh.org/IMG/pdf/rapp_colombie__juin_2012_anglais_def.pdf

[27] MENDY (D.), Colombia : In the Shadow of the International Criminal Court, International Justice Project: http://www.internationaljusticeproject.com/columbia-in-the-shadow-of-the-international-criminal-court/ : Cette pratique a sans aucun doute été motivée par le contexte de l’époque qui exigeait de l’armée toujours plus de résultats dans la lutte contre les insurgés.

[28] BEITTEL (J.S.), op. cit. pp.12-13 : Entre 1998 et 2002, on estime que les effectifs ont augmenté de 60%, portant à 132 000 le nombre de membres de l’armée. A la fin du second mandat d’Álvaro Uribe en août 2010, l’armée colombienne compte 283 000 membres.

[29] Initié au début des années 2000 sous la présidence d’Andrés Pastrana, ce plan, financé par la communauté internationale, visait à aider la Colombie à éradiquer le trafic de drogue.

[30] BEITTEL (J.S.), op. cit. p. 6. À noter que les FARC sont organisés autour d’un secrétariat composé de sept membres.

[31] Alfonso Cano lui succèdera et sera tué à son tour par l’armée colombienne. Le nouveau leader est désormais Rodrigo Londoño Echeveri plus connu sous le nom de « Timoléon Jiménez » ou « Timochenko ».

[32] BEITTEL (J.S.), op. cit. pp. 6-7.

[33] Cour constitutionnelle, Gustavo Gallón Giraldo y Otros v. Colombia : Sentencia C-370/06, 18 mai 2006 : http://www.cja.org/downloads/Sentencia%20C-370-2006%20re%20Ley%20975.pdf

  • [34] BURBIDGE (P.), cit. p. 573 : Le décret Justice et Paix 3391 du 29 septembre 2006 intègre à la loi la solution dégagée par la cour constitutionnelle.

[35] Pour une étude de la CNRR, voir LECOMBE (D.), « Mobilisations autour d’un modèle de sortie de conflit. La Commission Nationale de Réparation et Réconciliation : une « commission de vérité et réconciliation » (CVR) colombienne ? », Raisons politiques, vol. 1, n° 29, 2008, pp. 59-75.

[36] Pour une analyse détaillée de cette loi, voir SUMMERS (N.), « Colombia’s Victims Law : Transitional Justice in a Time of Violent Conflict ? », Harvard Human Rights Journal, vol. 25, 2012, pp. 219-235.

[37] En novembre 2014 par exemple, les négociations ont été suspendues à la suite de l’enlèvement d’un haut général de l’armée colombienne par les FARC. Celles-ci ont pu reprendre une fois le général libéré. Voir par exemple : Courrier International, Sabine Grandadam, Coup de froid dans les négociations avec les FARC : http://www.courrierinternational.com/article/2014/11/18/coup-de-froid-dans-les-negociations-de-paix-avec-les-farc Plus récemment, le 22 mai 2015, les FARC ont mis fin au cessez-le-feu unilatéral et indéfini qu’ils avaient décrété le 20 décembre 2014 à la suite d’une opération initiée par les forces armées colombiennes la veille ayant causé la mort de 26 guérilleros. Cette opération a semble-t-il été lancée en représailles à la mort, en avril dernier, de onze soldats colombiens tombés dans une embuscade tendue par les FARC. Depuis la fin de la trêve en décembre 2014, les FARC ont multiplié leurs attaques contre les infrastructures électriques et pétrolières du pays. Malgré tout cela, les négociations de paix ont continué à La Havane. C’est là d’ailleurs la particularité de ces négociations entre gouvernement colombien et FARC, à savoir que sur le terrain, les combats continuent. Voir par exemple : Crisis Group, Colombia Peace Process : Lurching Backwards, 26 mai 2015 : http://www.crisisgroup.org/en/publication-type/media-releases/2015/latin-america/statement-colombia-peace-process-lurching-backwards.aspx

[38] https://www.mesadeconversaciones.com.co/sites/default/files/AcuerdoGeneralTerminacionConflicto.pdf

[39] Crisis Group, Colombia: Progress meets Politics, 20 mai 2014: http://blog.crisisgroup.org/latin-america/2014/05/20/colombia-progress-meets-politics/

[40] Colombiapeace.org, What the “Truth Commission” Can, and Can’t Do, 8 juin 2015 : http://colombiapeace.org/2015/06/08/what-the-truth-commission-can-and-cant-do/

[41] Conseil de Sécurité des Nations Unies, Rapport du Secrétaire général, Rétablissement de l’état de droit et administration de la justice pendant la période de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d’un conflit, S/2004/616, 23 août 2004, p. 7.

[42] The New York Times, Colombia’s Capitulation, 4 juillet 2005 : http://www.nytimes.com/2005/07/04/opinion/colombias-capitulation.html?_r=0 ; Amnesty International, Communiqué de presse, Colombia: Justice and Peace Law will guarantee impunity for human rights abusers, 25 avril 2005 : http://reliefweb.int/report/colombia/colombia-justice-and-peace-law-will-guarantee-impunity-human-rights-abusers

[43] Amnesty International, Communiqué de presse, Colombia: Agreement must guarantee justice for the millions of victims of the armed conflict, 24 septembre 2015: https://www.amnesty.org/en/press-releases/2015/09/colombia-agreement-must-guarantee-justice-for-the-millions-of-victims-of-the-armed-conflict/ : D’après Amnesty, près de 90% des 30.000 paramilitaires démobilisés ont de fait été amnistiés et sur les 10% restants, seuls quelques-uns ont fait l’objet d’un procès.

Voir aussi : Human Rights Watch, World Report 2015, p. 168 : https://www.hrw.org/sites/default/files/wr2015_web.pdf. D’après Human Rights Watch, en septembre 2014, seulement 37 des 30 000 paramilitaires démobilisés ont été condamnés.

[44] Si on oppose souvent paix et justice, Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies estime pour sa part que « La justice, la paix et la démocratie ne sont pas des objectifs qui s’excluent mutuellement, mais au contraire des impératifs se renforçant les uns les autres », Rapport du Secrétaire général, op. cit. p. 3.

[45] Sur ce débat, voir : ALVIRA (G.), « Towards a New Amnesty : The Colombian Peace Process and the Inter-American Court of Human Rights », Tulane Journal of International and Comparative Law, vol. 22, 2013, p. 122.

[46] Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998, Préambule, « Déterminés à mettre un terme à l’impunité́ des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes » : http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6A7E88C1-8A44-42F2-896F-D68BB3B2D54F/0/Rome_Statute_French.pdf

[47] Voir PORTILLA, (J.C.), « Amnesty : Evolving 21st Century Constraints Under International Law », The Fletcher Forum of World Affairs, vol. 38, n° 1, 2014, pp. 176 et suiv. Il s’agit principalement de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, des Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels I et II, de la Convention interaméricaine des droits de l’Homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou encore de la Convention internationale et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants contre la torture.

[48] HENCKAERTS (J.M.) & DOSWALD-BECK (L.), Droit International Humanitaire Coutumier, Volume I : Règles, CICR, Bruylant, Bruxelles, 2006, pp. 813-815. Le CICR se réfère à la pratique des États et des organismes internationaux, aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ou encore à la jurisprudence des tribunaux internationaux. A cet égard, peuvent aussi être mentionnés les principes établis par Louis Joinet auxquels se réfère d’ailleurs assez souvent la CIDH. Ces principes ne prohibent pas en soi les amnisties mais viennent encadrer le recours à celles-ci en établissant, entre autres choses, que les auteurs de crimes internationaux les plus graves ne peuvent bénéficier d’une amnistie. Voir par exemple : Conseil économique et social des Nations Unies, Commission des droits de l’homme, Question of the impunity of perpetrators of human rights violations (civil and political), Revised final report prepared by Mr. Joinet pursuant to Sub-Commission decision 1996/119, E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1, 2 octobre 1997.

[49] Cour interaméricaine des droits de l’homme, Case of the Massacres of El Mozote and nearby places v. El Salvador, jugement du 25 octobre 2012, http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_252_ing1.pdf

[50] Pour un panorama de cette jurisprudence, voir : ALVIRA (G.), op. cit.

[51] Cour interaméricaine des droits de l’homme, Affaire Barrios Altos c. Pérou, arrêt du 14 mars 2001, para. 41 : http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_75_fre.pdf . La Cour cite, au titre des violations graves des droits de l’homme « la torture, les exécutions sommaires, extrajudiciaires ou arbitraires ainsi que les disparitions forcées, qui sont toutes interdites car elles contreviennent des droits indérogeables reconnus par le droit international des droits humains »

[52] Cour interaméricaine des droits de l’homme, Affaire Gomes Lund et autres c. Brésil, arrêt du 24 novembre 2010 : http://www.corteidh.or.cr/docs/casos/articulos/seriec_219_fre.pdf

[53] Cour constitutionnelle, Jugements C-579/2013 et C-577/2014 cité in BERNAL- PULIDO (C.), op.cit.

[54] Colombia Reports, FARC’s most serious crimes must not go unpunished: ICC, 15 août 2013: http://colombiareports.com/farcs-most-serious-crimes-may-not-go-unpunished-icc/

[55] Ibid.

[56] “(…) the key here is to find a balance between peace and justice. That equilibrium is not present in the Legal Framework for Peace proposed by the Santos government because it guarantees impunity to those maximum responsible for the worst atrocities” : José Miguel Vivanco, directeur de la section Amériques de l’organisation Human Rights Watch cité par Paula Delgado-Kling, Transitional Justice: Examining the Legal Framework for Peace, Talking about Colombia: http://talkingaboutcolombia.com/2013/09/03/transitional-justice-examining-the-legal-framework-for-peace/

[57] Pour un résumé des dispositions de l’accord, voir par exemple : Colombiapeace.org, English Summary of the September 23 Government-FARC Communiqué on the Transitional Justice Accord, 23 septembre 2015 : http://colombiapeace.org/2015/09/23/english-summary-of-the-september-23-government-farc-communique-on-the-transitional-justice-accord/ ; Colombia Reports, Colombia’s peace deals in depth: Transitional justice, 23 septembre 2015 : http://colombiareports.com/colombias-peace-deals-in-depth-transitional-justice/

[58] L’accord du 23 septembre précise qu’une loi d’amnistie viendra déterminer quels seront les crimes pouvant entrer dans cette catégorie.

  • [59] Si le Statut de Rome ne le dit pas expressément, on peut se référer à d’autres instruments internationaux pertinents. On peut par exemple citer la Convention pour la prévention et la répression du crime du génocide du 9 décembre 1948, qui dispose dans son article 7 que « Le génocide et les autres actes énumérés à l’article III ne seront pas considérés comme des crimes politiques pour ce qui est de l’extradition ». La Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes adoptée en 1994 et ratifiée par la Colombie dispose en son article 5 que «  La disparition forcée des personnes n’est pas considéré comme un délit politique aux effets de l’extradition ».

[60] Sont également exclus de toute amnistie : la prise d’otages ou d’autres privations graves de liberté, de la torture, les déplacements forcés, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et les violences sexuelles.

[61] Penal Reform International, Rapport de monitoring et de recherche sur la Gacaca, Le Travail d’Intérêt Général (TIG) – Quelques pistes de réflexion, mars 2007.

[62] CARRILLO- SANTARELLI (N.), An Assessment of the Colombian-FARC ‘Peace Jurisdiction’ Agreement, 29 septembre 2015, ejiltalk.org: http://www.ejiltalk.org/an-assessment-of-the-colombian-farc-peace-jurisdiction-agreement/; KERSTEN (M.), Striking the Right Balance: Truth at the Heart of Transitional Justice in Colombia, 25 septembre 2015, justiceinconflict.org: http://justiceinconflict.org/2015/09/25/striking-the-right-balance-truth-at-the-heart-of-transitional-justice-in-colombia/#more-6191 ; AMBOS (K.), Colombia – How Much Justice Can the Peace Take?, 8 octobre 2015, opiniojuris.org: http://opiniojuris.org/2015/10/08/guest-post-colombia-how-much-justice-can-the-peace-take/

[63] Cour pénale internationale, Bureau du Procureur, Situation in Colombia – Interim Report, novembre 2012.

[64] En effet, le troisième paragraphe de l’article 17 du Statut précise que doit être constaté l’effondrement de la totalité́ ou d’une partie substantielle de l’appareil judiciaire, ou l’indisponibilité́ de celui-ci, de se saisir de l’accusé, de réunir les éléments de preuve et les témoignages nécessaires ou de mener autrement à bien la procédure.

[65] Voir par exemple : Cour Pénale Internationale, Bureau du Procureur, Policy Paper on the Interests of Justice, septembre 2007 ; Cour Pénale Internationale, Bureau du Procureur, Document de politique générale relatif aux examens préliminaires, novembre 2013.

[66] Amnesty International, Rapport annuel 2014/2015 – La situation des droits humains dans le monde, p. 142.

[67] BEITTEL (J.S.), op.cit. p. 10.

[68] Colombia Reports, Peace talks set to be formalized with Colombia’s ELN rebels, 25 août 2015: http://colombiareports.com/peace-talks-set-to-be-formalized-with-colombias-guerrilla-group-the-eln/

[69] On peut aussi noter que l’EPL a aussi exprimé son souhait de rejoindre les négociations entamées avec les FARC, voir : Colombia: EPL quiere adherirse a diálogo de paz, BBC Monde, 25 juillet 2014:  http://www.bbc.com/mundo/ultimas_noticias/2014/07/140725_ultnot_colombia_epl_guerrilla_interes_proceso_de_paz_lv